La FIFA est dans le viseur de la Gespa, l’autorité intercantonale suisse chargée de la surveillance des jeux d’argent. Elle a déposé une plainte pénale contre la fédération internationale de football pour des activités liées à sa plateforme FIFA Collect, un site permettant aux fans d’acquérir des objets numériques de collection représentant des moments emblématiques du ballon rond mais que.
L’initiative, présentée comme une expérience ludique fondée sur la technologie blockchain, permet d’obtenir des “digital collectibles” via des packs payants. Certains de ces jetons donnent accès à des “Right-to-Buy” (RTB), c’est-à-dire une priorité d’achat sur des billets pour la Coupe du Monde 2026 ou d’autres compétitions majeures. Ces NFT affichent une valeur marchande très variable, allant de quelques euros à plus de 10 000 euros pour les exemplaires les plus rares offrant, par exemple, un droit de priorité pour la finale de la Coupe du Monde 2026 à New York.

C’est précisément ce mécanisme qui a conduit la Gespa à considérer que la FIFA propose, sans autorisation, des jeux d’argent sur le territoire suisse.
Les critères de la loi suisse sur les jeux d’argent
Selon la Loi fédérale sur les jeux d’argent (LJAr), une offre entre dans cette catégorie lorsqu’elle remplit trois conditions cumulatives :
la présence d’une mise,
l’existence d’un aléa,
la perspective d’un gain pécuniaire ou appréciable en argent.
Pour la Gespa, FIFA Collect répond à ces trois critères. Les utilisateurs paient pour obtenir des tokens dont la rareté varie de manière aléatoire, et les gains potentiels, ici, un accès prioritaire à des billets à forte valeur marchande, sont considérés comme des avantages appréciables. Dès lors, la plateforme aurait dû obtenir une autorisation préalable.
L’absence de licence rend l’offre illégale selon le droit helvétique, et la Gespa a transmis le dossier au Ministère public. En parallèle, l’autorité pourrait exiger le blocage du site en Suisse, une mesure déjà appliquée à d’autres acteurs du Web3, comme Sorare, dont les offres ont été jugées non conformes à la LJAr et sont interdites d’accès sur le territoire helvétique.
Une approche suisse rigide mais cohérente
Contrairement à la France, qui a récemment créé un cadre expérimental pour les JONUM (jeux à objets numériques monétisables) sous la supervision de l’ANJ, la Suisse n’a pas prévu de statut intermédiaire. La loi reste technologiquement neutre : qu’il s’agisse d’un tirage papier, d’un jeu en ligne ou d’un NFT, la définition juridique du jeu d’argent s’applique sans distinction.

Cette position stricte traduit une volonté de protéger les consommateurs et de garantir la transparence des offres. Elle souligne aussi la prudence du régulateur face à la financiarisation du divertissement numérique, où la frontière entre collection et spéculation devient de plus en plus floue.
Un signal au monde du sport et du Web3
Pour la Gespa, cette plainte est aussi un message symbolique. En ciblant une organisation aussi influente que la FIFA, elle affirme que la loi s’applique à tous, y compris aux institutions internationales. L’affaire pourrait faire jurisprudence et peser sur les futurs projets de monétisation des fans via des collectibles, des tokens d’accès ou des expériences immersives payantes.
Si le Web3 promet de nouvelles formes d’interaction entre les marques sportives et leurs communautés, le cas FIFA Collect rappelle une constante : en Suisse, le jeu d’argent reste un domaine strictement encadré, quelle que soit la technologie utilisée.



























