Un marché africain en plein essor mais morcelé
Le continent africain connaît une croissance sans précédent dans le secteur des jeux en ligne. La pénétration rapide des smartphones, l’amélioration de la connectivité internet et l’essor des classes moyennes créent un vivier de nouveaux joueurs. Pourtant, derrière ce dynamisme, un défi majeur persiste : l’absence d’un cadre réglementaire homogène. Chaque pays définit ses propres règles, souvent complexes et coûteuses, obligeant les opérateurs à naviguer entre des régimes juridiques très différents.
L’exemple de la différence entre le Nigeria et le Ghana illustre parfaitement ce morcellement. Un opérateur qui souhaite se développer sur les deux marchés doit non seulement obtenir deux licences distinctes mais aussi s’adapter à des conditions divergentes en matière de fiscalité, de jeux responsables et de lutte contre le blanchiment. Pour Peter Kesitilwe, nouveau président de l’African iGaming Alliance (AIA), cette fragmentation menace la compétitivité du marché et encourage la prolifération d’acteurs illégaux.

Les fondateurs de l’alliance
Quatre opérateurs majeurs sont à l’origine de l’AIA :
- Betway, déjà très implanté en Afrique, notamment en Afrique du Sud, au Nigeria et au Ghana.
- BetPawa, acteur en forte croissance sur plusieurs marchés d’Afrique de l’Est.
- 888Africa, filiale régionale du géant 888 Holdings, qui cherche à s’ancrer durablement sur le continent.
- Sportybet, un acteur incontournable dans les paris sportifs en ligne, déjà présent dans plusieurs pays.
En se regroupant, ces sociétés veulent peser davantage dans le dialogue avec les régulateurs et instaurer un climat de confiance, gage d’investissements pérennes.
« Nous ne devrions pas nous considérer comme des concurrents alors que nous nous complétons. C’est pourquoi nous disons : harmonisons les questions de fiscalité et celles du jeu responsable à travers notre alliance. Parlons d’une seule voix. »
Peter Kesitilwe – Président de l’AIA – Déclaration faite au site igamingbusiness.com
Des objectifs clairs : harmonisation et crédibilité
L’AIA poursuit trois priorités stratégiques :
- Promouvoir une régulation harmonisée : il s’agit d’encourager les États à adopter des standards communs, notamment via le Gambling Regulator Africa Forum (GRAF), qui pourrait servir de plateforme de coordination.
- Encourager la mise en place de fiscalités stables et raisonnables : les opérateurs dénoncent la tentation de certains gouvernements d’augmenter sans cesse les taxes, au risque d’alimenter le marché noir. L’alliance milite pour l’instauration de taux fixes et prévisibles.
- Développer des cadres de jeu responsable : face aux risques liés à l’expansion rapide de l’iGaming, l’AIA souhaite établir des normes partagées en matière de prévention de l’addiction, de protection des mineurs et de lutte contre le blanchiment.
Le défi du marché noir et de la fiscalité
Selon les estimations évoquées par Kesitilwe, jusqu’à deux tiers des opérateurs présents sur le continent évoluent dans l’illégalité. Ce marché parallèle fait perdre aux États entre 2 et 5 milliards de dollars par an en recettes fiscales. Il fragilise également la protection des consommateurs, souvent incapables de distinguer les sites légaux des plateformes illégales.
L’AIA propose une approche collective : en renforçant la coopération entre opérateurs légaux et régulateurs, elle espère réduire l’attrait des sites non conformes. Mais pour y parvenir, il faut aussi éviter une fiscalité trop lourde qui pousse les joueurs vers des offres non régulées.
Les obstacles économiques : paiements et frais bancaires
Au-delà de la réglementation, un autre frein ralentit le développement de l’iGaming en Afrique : les coûts liés aux services bancaires. Les opérateurs dénoncent les frais très élevés imposés par les agrégateurs de paiement, souvent en situation de monopole. Ces surcoûts pèsent sur la rentabilité et limitent l’accès de nombreux joueurs aux offres légales.

Vers une Afrique régulée et compétitive
Le pari de la nouvelle entité repose sur une conviction forte : l’Afrique peut devenir l’un des marchés iGaming les plus dynamiques du monde, à condition de maîtriser sa croissance. Contrairement à l’Europe, qui a progressivement harmonisé certains aspects du jeu en ligne, l’Afrique part d’une mosaïque de régulations. Mais cette jeunesse réglementaire peut aussi devenir une opportunité.
Avec une coordination accrue, les États africains pourraient bâtir un modèle original, adapté à leur contexte, tout en évitant les erreurs observées ailleurs, comme la fiscalité excessive ou la régulation trop stricte qui pousse les joueurs vers le marché noir.
Une dynamique continentale à suivre
En plaçant la régulation au cœur de ses priorités, l’African iGaming Alliance veut démontrer que la croissance économique et la protection des consommateurs ne sont pas incompatibles. L’Afrique se trouve face à un choix : multiplier les régulations nationales disparates, ou bâtir un cadre continental cohérent.
Pour les opérateurs fondateurs comme Betway ou 888Africa, l’enjeu est clair : investir durablement dans un marché qui pourrait représenter plusieurs dizaines de millions de joueurs d’ici la fin de la décennie. Pour les régulateurs, c’est l’occasion d’associer recettes fiscales et protection sociale.
L’avenir dira si l’AIA saura convaincre d’autres opérateurs et gagner la confiance des gouvernements. Mais une chose est certaine : sans harmonisation, le potentiel du marché africain restera largement sous-exploité.



























